vendredi, août 25, 2006

la DADVSI et l'ICANN

Bientôt deux mois de vacances de ce blog. Je ne l’avais pas annoncé officiellement mais je pense que d’aucuns s’en sont rendus compte par eux-mêmes. Ceci dit, cette absence n’était pas complètement préméditée : en effet, suite à certains changements professionnels, ma présence en ces lieux risque d’être irrégulière pour encore quelques semaines, le temps pour moi de retrouver un rythme plus habituel. J’espère en tout cas que vous avez tous passé également de bonnes vacances, agréables et reposantes.

Un mois de vacances, y compris loin des blogs est toujours salutaire. Mais le retour n’en est que plus dur et les centaines de billets que me tend mon agrégateur sont là pour me le rappeler. Je vais y aller progressivement, y compris d’ailleurs pour les mêmes raisons que ci-dessus.

Pour ce billet de rentrée je voulais parler un peu de droits. Oui je sais c’est aride comme sujet mais l’été a été fécond sur ce thème.

Ainsi Précisément.org, sur le blog pour l’information juridique, nous a-t-il rappelé en juin qu’un nouveau décret -du 13 juin 2006- adaptait les règles du dépôt légal à l’évolution de l’édition vers le format numérique. C’est Manue qui a dû être contente…



Bien évidemment, cependant, le grand buzz de l’été concernait la promulgation de la loi DADVSI (droits d’auteur et droits voisins dans la société de l’information) censée enfin transposer la directive européenne 2001/29/CE du 22 mai 2001, et le surprenant camouflet infligé par le Conseil constitutionnel à la fois aux tenants et aux opposants de cette loi. Cette dernière en effet est finalement parue au JO sous le nom très officiel de loi n° 2006-961 du 1er août 2006 relative au droit d'auteur et aux droits voisins dans la société de l'information (version pdf) ou MCCX0300082L de son petit nom (parfois ces juristes…). Je n’essaierais pas de commenter toute cette histoire mais vous renvoie au long mais excellent article de Maître Eolas sur le sujet dont je reprends néanmoins le résumé final ci-après. Indispensable comme souvent.
Un petit résumé ?

D'accord.

Télécharger des MP3 illicites est une contrefaçon (La jurisprudence se fixe en ce sens depuis la cassation de l'arrêt de Montpellier) : 3 ans, 300.000 euros d'amende (art. L.335-4 du CPI, non modifié par la loi DADVSI).

Diffuser un logiciel manifestement conçu pour du téléchargement illicite est passible des mêmes peines (art. L.335-2-1 du CPI, nouveauté DADVSI). Faire la promotion d'un tel logiciel est puni des mêmes peines.

Tripatouiller ses fichiers pour virer les Mesures techniques de protection = 3.750 euros d'amende. Diffuser un logiciel le faisant automatiquement : 6 mois et 30.000 euros d'amende. Utiliser ce logiciel = Rien, sauf à ce qu'une jurisprudence facétieuse caractérise le recel. Lire des DVD sous Linux = rien.

Ceci étant, conformément à la formule traditionnelle qui termine bien des écrits d'avocat : sous toutes réserves


Cette dernière impunité, précise le Maître, risque de disparaître et prendre une forme contraventionnelle de 4e classe, soit près de 750 euros d'amende maximum PAR infraction constatée.

Rappelons enfin que ce commentaire ne porte que sur le titre Ier (qui se divise en 4 chapitres : Exceptions au droit d'auteur et aux droits voisins, Durée des droits voisins, Commission de la copie privée, Mesures techniques de protection et d'information) et plus particulièrement sur ces mesures techniques de protection (MTP, traduction de l'anglais Digital Right Management, DRM).

Cette promulgation est intervenue peu de temps après l’affaire de l’école de Peillac (Morbihan) dont les élèves avaient entonnés un franc « Adieu Monsieu le professeur » lors de la fête de fin d’année à l’occasion du départ à la retraite de trois de leurs professeurs. La SACEM, qui eut vent de cette manifestation par le journal, a alors pris soin de facturer cette représentation publique à la direction de l’école – et par extension à la mairie, l’œuvre figurant dans son répertoire et étant soumise à autorisation préalable.

Comme beaucoup, j’ai été d’abord surpris de cette pratique qui semble abusive, mais je dois reconnaître que c’était à la mairie de déclarer la manifestation comme souvent dans ce cas, non ? Bref, vous pouvez lire à ce sujet le billet de Maître Eolas (toujours lui ^^) qui en profite pour expliquer ce que sont les droits d’auteurs, en vous attardant sur les commentaires où des artistes prennent la parole pour défendre la démarche de la SACEM et le billet plus légaliste proposé par Jules, de Diner’s Room.

Enfin, je termine ce mot par un détour aux Etats-Unis où le journal britannique The Register nous relève les États-Unis ont finalement entamé des démarches afin d’autonomiser l’Internet Corporation of Assigned Names and Numbers (ICANN), auparavant sous l’égide du Department of Commerce.



Pour resituer les enjeux d’une telle démarche, je me permets de citer à nouveau Julien Lombart-Donnet sur ITLignetia :
Internet est un réseau gigantesque, sans doute erratique et –a priori- libre. Cependant, il faut se rappeler que la toile a été pendant bien longtemps gérée par un seul homme, un professeur de Mathématiques Américain Jon Postel. Il décidait par exemple d’attribuer les suffixes derrière les noms de domaine (type .fr, .us, etc.). L’explosion de la bulle Internet et sa formidable expansion à poussé l’administration Clinton à imaginer d’autres alternatives. En 1998, a donc été crée l’ICANN, qui est de compétence mondiale et dont la mission principale est de gérer l’anarchie du web. Le problème qui se pose dès lors est la possibilité d’infogérance des USA auprès de cette société Californienne, qui peut exercer un droit de veto sur les décisions de cette dernière. Par ailleurs, l’ICANN gère outre les suffixes de domaine, l’attribution des IP, ce qui est prédominant dans les échanges d’ordinateurs. Enfin, elle supervise aussi les 13 root servers, sur lesquels repose l’architecture de l’Internet que nous utilisons.
La question du contrôle de l’Internet avait été largement débattu lors du dernier sommet mondial sur la société de l’information à Tunis en novembre dernier. Les Etats-Unis s’étaient alors refusés catégoriquement d’abandonner leur « rôle historique » dans la gestion de l’Internet mais en contre-partie avait été décidé la création d’une nouvelle institution de régulation de la Toile, le Forum pour la gouvernance de l'Internet (Internet Governance Forum, IGF) où siégeront les gouvernements, mais aussi des représentants du secteur privé et de la société civile.

La décision d’autonomiser l’ICANN semble donc historique. Néanmoins, cette décision est à prendre avec quelques nuances, les EU étant déterminés à garder le contrôle sur les 13 « root servers », au moins à moyen-terme quant aux détails de cette transition à proprement parler, ils demeurent encore mystérieux mais seraient attendus pour cet automne.