mardi, janvier 17, 2006

Du Wi-Fi en bibliothèques



Depuis la rentrée de septembre, le service informatique de l’université installe sur les différents campus universitaire des bornes wifi afin de répondre à une demande des étudiants d’une part et du ministère d’autre part, tout désireux de placer ses fameux portables à 1 euros. Le wifi, ou Wi-Fi pour Wireless Fidelity, correspond initialement au nom donnée à la certification délivrée par la Wi-Fi Alliance, anciennement WECA (Wireless Ethernet Compatibility Alliance), l'organisme chargé de maintenir l'interopérabilité entre les matériels répondant à la norme 802.11, standard international décrivant les caractéristiques d'un réseau local sans fil (WLAN).

Depuis deux mois environs, nous recevons donc des demandes d’usagers pour les aider à installer sur leur portables le client VPN (virtual private network), client qui permet d'encapsuler et donc de sécuriser les informations qui circulent sur le net, nécessaire à une connection réseau via les bornes wifi. Mais auparavant il nous a fallu former nos propres collègues à l’utilisation de ce nouvel outil qui ne fut pas sans provoquer de crainte…

En effet, le wifi grâce au client VPN et à l’identification de l’usager permet un accès illimité aux ressources de notre établissement, depuis n’importe quelle station portable, pour peu que sa batterie soit suffisante ou qu’il y ait une prise électrique à côté, quand bien même nous avons vu des étudiants apporter leur rallonge qu’ils tendaient au milieu des salles de lectures.

Dès lors la première question posée demeure comment vérifier que nos chers étudiants n’utilisent pas le réseau internet pour aller sur des sites au contenu illégal ou répréhensible (pornographique, raciste, homophobe) ? La réponse que nous avons apportée est qu’il n’est certes pas possible de tout contrôler, mais qu’il ne nous est pas interdit de jeter un œil lors de nos rondes habituelles au milieu des salles. A nous ensuite d’intervenir si le site est jugé tendancieux. En revanche, la consultation des courriers électroniques qui n’était pas acceptée (bien que parfois tolérée) sur les stations de la bibliothèque devient possible : il s’agit là en effet de leur poste personnel avec donc la possibilité d’utiliser leur messagerie personnelle.

La deuxième question qui est venue aux lèvres de nos collègues concerne la nocivité des ondes propagées par les bornes wifi mais il fut aisé de leur expliquer que la puissance de ces ondes était trente fois inférieure à celle de nos téléphones portables d’une part et d’autre part que si nous collions ces derniers contre notre cerveau, les bornes de la première se trouvaient à plusieurs mètres de là, impliquant par là que même si les ondes de notre portable étaient dangereuses, celles du wifi apparaîtraient inoffensives.

Arriva alors la plus grande crainte : celle de la dématérialisation des bibliothèques. Le wifi permettant un accès aux ressources numériques depuis n’importe quel espace arrosé, la bibliothèque verra forcément sa fréquentation et,par extension, son besoin en personnel, baisser.

Dans cette crainte surgit le spectre de la fin du papier emporté par la vague du tout électronique, comme si déjà sonnait le glas de la mort de livre et le carillon annoncant l’avènement de la galaxie Mc Luhan. Je ne pense bien évidemment pas que le livre soit fini. L’histoire des médias elle-même nous a montré qu’une nouvelle pratique venait compléter la précédente plutôt que la remplacer. Ne serait-ce que d’un point de vue physique, et la difficulté de percée des livres électroniques nous le prouve, les professionnels de la documentation eux-mêmes ayant conclu en juin 2005 qu’il était urgent d’attendre, rien ne remplacera la lecture sur le papier. Le papier en effet ne dépend pas de batterie, est aisément manipulable, fatigue moins les yeux qu’un écran rétro-éclairé. Mais il prend de la place et devient vite lourd à transporter.

L’autre crainte sous-jacente est celle de la baisse du nombre de personnels. Comme partout en France je suppose, notre bibliothèque souffre du manque de personnel. On parlerait même d’une autre période noire depuis celle stigmatisée par le rapport Miquel de 1989, révélant le retard des bibliothèque universitaires françaises. Dans son rapport, M. André Miquel écrivait :
" Locaux exigus ou périmés, peu ou pas assez ouverts, manque de postes, démobilisation trop fréquente des personnels, lassitude générale, désaffection des étudiants causée, au moins en partie, par le manque de moyens offerts, renonciation à lire ou découragement devant les difficultés de la documentation (que l'on comparera, à notre désavantage, avec telle ou telle bibliothèque étrangère fonctionnant comme un intense et permanent appel à la curiosité), inexistence ou insuffisance de l'apprentissage de la lecture spécialisée, tout incite à ce constat, que les bibliothèques constituent une des zones sinistrées de l'ensemble universitaire et, au-delà, du tissu national ".
Un constat à mettre en regard avec le récent billet de Marlène Delhaye sur le ressenti de leur travail par les bibliothécaires. Dans ces conditions, les personnels voient mal la menace d’une baisse du nombre de leurs effectifs, comme si du jour au lendemain nos usagers allaient fuir nos vieux locaux au profit des salles informatiques des bâtiments voisins, ou mieux de leur canapé puisque dorénavant ils peuvent travailler chez eux. Je pense sincèrement que c’est crier au loup que de brandir une telle crainte et quand bien même le taux de fréquentation baisserait, quand bien même la bibliothèque deviendrait de plus en plus virtuelle, il suffirait de relever le nombre de consultation de nos bases pour se persuader que nous remplissons toujours notre mission d’accompagnement pédagogique et de soutien à la recherche. Reste alors à s’inquiéter de la bonne utilisation des outils et donc de la formation de nos usagers.

En l’occurrence, et plutôt qu’une désaffection des locaux, nous voyons plutôt fleurir les portables sur les tables de consultation et de travail et nos prises électriques rapidement occupées (faisant demander à certain s’il est de notre mission de fournir l’électricité aux étudiants, payée sur les fonds de l’Université), nous poussant à réfléchir à une éventuelle réorganisation des espaces…