vendredi, décembre 09, 2005

Ma vie privée sur le net : Big Brother et la société de l'information

Êtes-vous, comme Miss TICS et moi aussi quelque part, avouons-le, techno-dépendants ? A l'ère de la cyber-performance et de la techno-addiction nous rappelle-t-elle, il devient de plus en plus difficile de supporter même les minutes sans internet...


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Et pourtant, ce pourrait être mieux puisque nous serons désormais fichés sur internet, selon le récent projet de loi de lutte contre le terrorisme. En effet, Les opérateurs télécoms, les hébergeurs et fournisseurs d'accès, et même les cybercafés devront fournir les données de connexion des usagers : d'adresses IP, numéros d'appels, cartes SIM, etc... à la demande des agents habilités, mais sans qu'il soit désormais nécessaire de passer par la requête d'un juge. Une première.

Plus loin encore : selon Wired, les Pays-Bas ont décidé de ficher tous leurs citoyens afin de les suivre du berceau à la tombe, à partir du 1er janvier 2007. Les particuliers ne pourront pas accéder à cette base de données, mais le danger de dérive n'en reste pas moins patent.



Internet Info nous rappelait déjà qu’une requête à son nom sur Google (Googling) est devenu un moyen rapide, simple et pratique d’en savoir plus sur chacun de nous. Le site, dans le billet intitulé "Cherchez Quelqu'un" daté de mai dernier, liste d'ailleurs trois moteurs qui permettent ainsi d'en savoir plus sur chacun de nous en fouillant dans des bases de données publiques (annuaires téléphoniques, enregistrements de propriétés, etc.) : ZoomInfo, Zabasearch et IntelliUS. Ce dernier, comme le note avec inquiétude Olivier Ertzscheid alors sur Urfist Info, va plus loin que les autres en étant capable de fournir (contre espèce sonnantes et trébuchantes) l’historique des déménagements, le casier judiciaire, les dates de mariages et de divorces, les téléphones des voisins, le montant du bien immobilier qu’il possède, une vue satellite de son domicile, etc. Pour vous rendre compte par vous-mêmes, vous trouverez un exemple ici.



Du 16 au 18 novembre dernier a eu lieu le sommet mondial de Tunis ou SMSI dont la presse s'est faite alors l'écho (cf la revue de presse sur le blog de Tribune Libre) et dont les documents sont accessibles en ligne. L’enjeu y était crucial puisqu’il s’agissait de savoir qui allait contrôler Internet. Pourquoi cela, demande Julien Lombart-Donnet sur ITLignetia ?
Pourquoi cela ? Internet est un réseau gigantesque, sans doute erratique et –a priori- libre. Cependant, il faut se rappeler que la toile a été pendant bien longtemps gérée par un seul homme, un professeur de Mathématiques Américain Jon Postel. Il décidait par exemple d’attribuer les suffixes derrière les noms de domaine (type .fr, .us, etc.). L’explosion de la bulle Internet et sa formidable expansion à poussé l’administration Clinton à imaginer d’autres alternatives. En 1998, a donc été crée l’ICANN, qui est de compétence mondiale et dont la mission principale est de gérer l’anarchie du web. Le problème qui se pose dès lors est la possibilité d’infogérance des USA auprès de cette société Californienne, qui peut exercer un droit de veto sur les décisions de cette dernière. Par ailleurs, l’ICANN gère outre les suffixes de domaine, l’attribution des IP, ce qui est prédominant dans les échanges d’ordinateurs. Enfin, elle supervise aussi les 13 root servers, sur lesquels repose l’architecture de l’Internet que nous utilisons.

De fait, de menues disputes sont apparues çà et là - difficulté à créer le «.eu » pour l'Union européenne, mauvaise gestion présumée du «.iq » irakien, etc. - sans que jamais la preuve formelle d'une intervention américaine, ou d'un fonctionnement biaisé de l'Icann, soit apportée par les plaignants. Mais rassurez-vous, finalement sur cette question de la gouvernance d'Internet, les Etats-Unis conservent le contrôle de l'Icann (Internet Corporation for Assigned Names and Numbers), l'organisme en charge des noms de domaines, l'administration américaine avait fait savoir qu'elle n'abandonnerait pas ex abrupto son « rôle historique ». Au moins annonce-t-on la création d'une nouvelle institution de régulation de la Toile, le Forum pour la gouvernance de l'Internet (Internet Governance Forum, IGF) où siégeront les gouvernements, mais aussi des représentants du secteur privé et de la société civile.

L'autre grand sujet était le respect de la liberté d'expression, largement relayés durant le SMSI à l'intérieur du sommet par la délégation suisse co-organisatrice du SMSI, et qui trnachaient avec les déclarations de la Chine appelant à plus de contrôle de la toile auront clairement montré les lignes de fracture très fortes au sein de la société de l'information réunie à Tunis. "Les technologies de l'information et de la communication sont de plus en plus présentes dans notre vie quotidienne et leur impact négatif se fait de plus en plus jour", déclarait le vice Premier ministre chinois. Au final, rien de bien concret n'en est sorti si ce n'est que la Tunisie n'était pas le meilleur endroit du point de vue des droits de l'homme pour organiser un tel sommet.



Les bibliothèques étaient aussi directement concernées par ce sommet même si de mainère moins visible. D'ailleurs l'IFLA (International Federation of Librarians Associations and Institutions) a publié à cette occasion le manifeste d'Alexandrie (i.e. adopté à Alexandrie, Egypte, à la Bibliotheca Alexandrina, le 11 Novembre 2005 dernier) qui revient sur le rôle des bibliothèques dans la société de l'information et insiste, à l'endroit des gouvernements, sur l'importance et les enjeux d'une VRAIE politique publique.
Ce manifeste énonce aussi quelques chiffres qu'il est bon de rappeler pour relativiser certaines initiatives (Open Content Alliance, Google Books et autres) : selon lui, il y a dans le monde
  • plus de 500 000 bibliothèques,
  • 15.000 km de rayonnages de bibliothèques,
  • plus de 500 000 connections à Internet dans les bibliothèques,
  • 1,5 trillions de prêts chaque années,
  • et 2,5 milliards de lecteurs inscrits.

    Ce manifeste intervient après une autre La proclamation d'Alexandrie sur la maîtrise de l'information et l'apprentissage tout au long de la vie qui selon Formist Information, propose une définition assez large de la maîtrise de l'information, allant au delà de la définition "classique" en insistant sur les facteurs économiques liées à cette maîtrise.
    (via Affordance.info et Formist information)



    Je terminerais en renvoyant vers ce dossier sur les chiffres-clef de l'usage de l'internet( série d'informations chiffrées sur l'état de l'Internet en France et dans le monde: nombre d'utilisateurs, coûts d'accès, fournisseurs d'accès, marchés, etc.) disponibles sur le Journal du Net. Affordance souligne alors le "recul" depuis 2003 des pratiques de téléchargement alors que l'on n'a jamais autant parlé des risques et dérives (supposées) dudit téléchargement, que ce soit dans le cadre du projet DADVSI ou bien de celui de Google Books. Vous trouverez également sur cette autre page les 100 sites les plus visités par les européens. (source : Totem Consult)